Agir dans le changement

Selon une étude de la Singularity University (États-Unis), citée dans le magazine Forbes (2023), nous entrons dans une phase d’accélération des changements au sein des entreprises en raison d’une convergence technologique impliquant l’IA, le digital et la robotisation. Cela fait suite à des décennies de changements structurels et organisationnels des entreprises et administrations.
Or, si le changement, c’est-à-dire le fait de passer d’un état à un autre, est un phénomène constant, nous ne sommes, cependant, pas forcément toujours bien outillés pour l’appréhender.
A fortiori lorsqu’il est subi ! Selon le psychologue d’entreprise M. Kets de Vries et le chercheur en gestion D. Miller, un changement subi est souvent vécu comme une menace par l’individu et peut provoquer chez lui de l’anxiété, rendant difficile son adaptation à la nouvelle situation.
Comment alors se positionner face au changement subi ? Et comment retrouver son pouvoir d’agir individuel et collectif ?

1. Appréhender le changement

« Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge »
Winston Churchill

Des changements structurels du marché du travail depuis les années 90 qui impactent les conditions de travail.

Depuis une quarantaine d’années, les changements dans les organisations professionnelles s’accélèrent sous l’effet des mutations importantes du monde du travail.

La recherche “d’efficacité” dans le secteur public dans un souci de redevabilité croissante vis à vis des citoyens, a conduit à l’introduction de méthodes de New Public Management1 – voire d’ajustements structurels, parfois au détriment de l’usager ou des conditions de travail.

Du côté du secteur privé, on a pu observer le développement de la concurrence économique mondiale, couplée à des craintes de crises financières et l’introduction de réglementations plus strictes, en particulier sur les pratiques de corruptions Cela a poussé les entreprises privées, et notamment les groupes internationaux, à stabiliser et sécuriser leur rentabilité par le vecteur financier et juridique, parfois au détriment des opérations et a conduit à une évolution des rapports de force entre ces services au sein des entreprises.

Des innovations volatiles

Le développement continu des nouvelles technologies a conduit à une densification et une intensification considérable du travail et à une difficulté à prévoir l’avenir. En effet, même si des modèles essayent de prédire l’évolution des innovations (Ex: Cycle du Hype du Cabinet Gartner), il n’en reste pas moins que “l’innovation est imprévisible par nature : prédire ce que va devenir une technologie émergente relève de la spéculation”2. Plusieurs exemples, comme celui du Métavers, montrent ainsi comment des innovations pourtant à la mode pendant un temps, ont finalement été abandonnées, avec des pertes importantes.

En effet, face à ces nombreux changements, le doute peut s’installer et empêcher l’anticipation. Michael Raynor identifie ainsi un « paradoxe de la stratégie » : « avoir une stratégie accroît les chances de connaître le succès, mais également de connaître l’échec. Ne pas avoir de stratégie est le moyen le plus sûr d’aboutir à un résultat médiocre, mais cela permet d’éviter les catastrophes. De manière implicite, c’est le « choix » que font de nombreux dirigeants »3.

A l’échelle individuelle, certains biais cognitifs, comme l’aversion à la perte4, ou encore des biais de statu quo5 ou de conformité peuvent également contribuer à freiner l’envie de changement des salariés.

Alors sommes-nous tous réfractaires aux changements ?

2. Réagir au changement

« Ce qui nous empêche de changer, ce ne sont pas seulement nos doutes mais bien plus souvent nos certitudes »
Sénèque

Souffrance et perte de sens dans les organisations

Les transformations des cultures de travail ont fait du changement organisationnel, autrefois considéré comme exceptionnel, un phénomène normal.
Poussée à son paroxysme, ces changements de culture de travail ont parfois été vécus comme une véritable violence organisationnelle par les salariés pouvant encourager le harcèlement moral.

On se souvient, ainsi, des vagues de suicides au sein de France télécom au moment de sa privatisation dans les années 2000 et qui ont abouti, le 21 janvier 2025, à la condamnation définitive des anciens dirigeants de l’entreprise pour harcèlement moral institutionnel.
Sans aller jusqu’à cet extrême, on observe souvent une perte de sens du travail. Le changement subi et constant peut en effet provoquer une perte de sens des missions et le sentiment que l’activité de travail est empêchée6 avec des conséquences sur la santé des travailleurs7.

La complexité des réactions individuelles face au changement

 

 

 

 

 

 

 

De nombreux facteurs rentrent en ligne de compte pour expliquer les réactions individuelles au changement comme la personnalité, les circonstances individuelles qui vont conditionner l’intérêt de la personne concernée au changement dans un contexte donné, la période de vie, ou encore son histoire personnelle et ses valeurs qui peuvent entrer en conflit (ou pas) avec le changement proposé.
Certains profils de personnalités (méthode DISC) semblent également plus disposés au changement (Profil Dominance ou Profil Influence) tandis que les profils recherchant naturellement stabilité et précision pourront en être déstabilisés.

Source: Nouvelle gestion publique — Wikipédia
1 La nouvelle gestion publique (également appelée nouveau management public, de l’anglais new public management) est une approche visant des réformes des administrations publiques ayant comme objectif d’améliorer l’efficacité de l’État et l’imputabilité
2 Cf Le cycle du hype : mythe ou réalité ? – Hbrfrance.fr
3 Cf Pourquoi la plupart des entreprises n’ont-elles pas de stratégie ? – Hbrfrance.fr
4 Les individus sont plus sensibles aux perspectives de pertes qu’à celles associées aux gains. Daniel Kahneman et Amos Tversky, deux psychologues, ont été les premiers à analyser cet effet appelé « Aversion à la Perte » (« Loss aversion » en anglais). Kahneman a même reçu en 2002 le Prix Nobel d’Economie pour ses travaux.
5Identifié par Samuelson et Zeckhauser en 1988 pour illustrer des comportements non rationnels expliquant notre aversion au changement.

Les risques psycho-sociaux liés au changement.

En conséquence, le changement peut être source de risques psycho-sociaux. Il est donc essentiel de les prévenir en période de changement et c’est d’ailleurs une obligation légale puisque le code du travail prévoit que “L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs” (Article L4121-1 du code du travail)

L’INRS1 répertorie plusieurs facteurs de risques psycho-sociaux :

  • Intensité et temps de travail
  • Exigences émotionnelles
  • Manque d’autonomie
  • Rapports sociaux au travail dégradés
  • Conflits de valeurs
  • Insécurité de la situation de travail

et propose plusieurs solutions pour s’en prémunir (cf ci-joint).

Conclusion : Le changement est aujourd’hui inévitable dans le monde du travail. Il est à la fois structurel et difficile à prévoir. Dans une période de changement, l’individu est pris dans des logiques collectives qui peuvent freiner ou porter son changement personnel, et nécessite de se prémunir des risques.

Pour autant, le changement peut être facteur d’opportunité, comme le symbolise le pictogramme chinois WeiJi de crise qui associe l’idée de “danger ET opportunité”.
Inspiré sur ce sujet, le GAD 17 vous proposera une suite à cet édito avec des idées et outils pour faire de vos changements une opportunité de croissance.

Le GAD 17

1 Cf les travaux de l’ergonome Y. Clot sur le travail empêché.
1 Le burn-out, qui est symptomatique de la souffrance au travail, semble aussi être un mal en expansion. D’après l’Institut de veille sanitaire, 7% de salariés français sont en burn-out, mais, selon l’Institut de veille sanitaire en 2023 le phénomène serait bien plus important. En effet, ce sont près de 40% de salariés qui déclarent avoir déjà vécu un épisode de burn-out et 70% qui affirment ressentir un stress professionnel susceptible d’y conduire.
8 Cf Risques psychosociaux (RPS). Facteurs de risque – Risques – INRS
Sources :
Nouvelle gestion publique — Wikipédia
– Le cycle du hype : mythe ou réalité ? – Hbrfrance.fr
Pourquoi la plupart des entreprises n’ont-elles pas de stratégie ? – Hbrfrance.fr
– Les individus sont plus sensibles aux perspectives de pertes qu’à celles associées aux gains. Daniel Kahneman et Amos Tversky, deux psychologues, ont été les premiers à analyser cet effet appelé « Aversion à la Perte » (« Loss aversion » en anglais). Kahneman a même reçu en 2002 le Prix Nobel d’Economie pour ses travaux.
– Identifié par Samuelson et Zeckhauser en 1988 pour illustrer des comportements non rationnels expliquant notre aversion au changement.
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