Vous l’avez sans doute constaté : répondre aux offres d’emploi publiées (marché visible) mène trop souvent à un silence radio. Pourquoi ? Parce que ces annonces démultiplient la
concurrence des autres candidats y compris ceux qui, avec dix ans d’expérience, sont déjà considérés comme seniors par les recruteurs.
S’y cantonner revient à ignorer tous les besoins en recrutement non publiés. Il existe un marché invisible qui a l’avantage d’être moins concurrentiel pour les candidats comme pour
les recruteurs. Ce marché est attractif pour les recruteurs : ils y gagnent en temps et en coûts de sélection [2].
Quelques chiffres APEC, tirés de l’édition 2024 de son baromètre des pratiques de recrutement de cadres, rapporte les résultats de leur sondage réalisé début 2024, auprès de 1150 entreprises d’au moins 10 salariés et ayant recruté au moins un cadre en 2023.
Ce sondage révèle notamment que si la diffusion d’une offre demeure le canal de sourcing privilégié des entreprises (86% y ont eu recours) et même incontournable pour les grandes entreprises (96 %), la sollicitation du réseau de contacts personnels ou professionnels, ainsi que celui des salarié(e)s via la cooptation, a permis de trouver le(la) candidat(e) recruté(e) pour 25% d’entre elles (27% des PME et 13% des ETI/grandes entreprises). Et qu’au total, pour plus de 80% des entreprises, la publication d’une offre d’emploi et la mobilisation du réseau de contacts sont les deux canaux qui ont permis le plus souvent de finaliser leurs recrutements de cadres au cours de l’année 2023.
Coté candidats, la même enquête rapporte que 26% des cadres en poste sondés en février 2024 ont eu connaissance de l’opportunité de l’emploi qu’ils occupent par leur réseau, et que 15% y ont accédé par candidature spontanée.
1. Toucher le marché invisible
Les recrutements se jouent donc aussi en coulisses, et parfois avant ou sans la diffusion d’une offre. L’accès à ces opportunités repose alors sur une stratégie de recherche mobilisant plusieurs leviers : d’abord une démarche de réseautage efficace mais pas seulement.
L’approche directe, la candidature spontanée, et se rendre visible des recruteurs peut aussi s’avérer payant.
Une troisième approche peut également maximiser ses chances de décrocher un premier entretien de recrutement : combiner les approches des marchés visibles et invisibles.
2. Activer son réseau
Tout d’abord, soyons clair : réseauter ne signifie pas quémander un poste. C’est une stratégie fine, où il s’agit de se rendre visible, de se positionner en fournisseur de compétences et d’influencer subtilement les décisions.
En tant que cadre senior, notre parcours est un atout, mais encore faut-il savoir comment le valoriser pour vraiment faire la différence.
Trois leviers stratégiques pour activer son réseau avec impact :
Faire savoir ce que l’on recherche à son réseau de premier niveau
Il s’agit de (re)prendre contact avec des personnes que l’on connait ou a déjà connu, leur faire connaitre son profil/son évolution et son projet professionnel (type d’entreprise, de poste, secteur d’activité, etc.), pour ensuite leur demander s’ils sont en mesure de mettre en relation avec des connaissances pertinentes par rapport à son projet.
Cela peut être des anciens collègues en activité dans le secteur visé par exemple, ou même son réseau de contacts personnels.
Passer du réseau passif au réseau actif
Un réseau ne fonctionne pas en mode “réserve d’opportunités”. Il faut l’activer intelligemment. Comment ? En devenant une source de valeur et non un demandeur. Identifier trois à cinq interlocuteurs stratégiques dans le secteur visé et engagez avec eux des conversations sans demande directe, mais en partageant des analyses, en posant des questions pertinentes et en montrant que vous êtes toujours acteur du marché.
Créer des opportunités en influençant les besoins avant qu’ils ne soient exprimés
Les entreprises recrutent souvent lorsqu’un besoin devient critique.
Mais avant cela, il y a une phase où le besoin est en train de se structurer. Positionnez-vous en amont : identifiez des entreprises en transformation, repérez les défis qu’elles rencontrent et engagez des discussions sur ces enjeux. Une approche basée sur la résolution de problèmes plutôt que sur la recherche d’emploi vous positionne en allié stratégique et non en candidat parmi d’autres.
3. Travailler son image d’expert
Les décisions d’embauche reposent sur la confiance. Et rien ne crée plus de confiance que l’expertise perçue. Prenez la parole sur des sujets clés de votre secteur, publiez des analyses, partagez des retours d’expérience.
Soyez présent là où les décideurs se renseignent (conférences, webinaires, forums spécialisés). Si votre nom revient régulièrement comme une référence, vous serez sollicité sans
même avoir besoin de postuler.
4. Un état d’esprit gagnant : patience et constance
Un réseau efficace ne se construit pas en un jour. La clé est la régularité : chaque interaction compte. Évitez l’approche transactionnelle (“je cherche un job”), privilégiez la connexion humaine et la posture de fournisseur de compétence.
Enfin, gardez à l’esprit que les opportunités viennent souvent de contacts indirects. Les personnes qui vous aideront le plus ne sont pas forcément celles avec qui vous avez travaillé
directement, mais celles qui connaissent quelqu’un qui connaît quelqu’un… d’où l’importance de rester visible et engagé dans les bons cercles.
La candidature spontanée n’est pas morte
Il s’agit ici d’avoir identifié des entreprises qui nous intéressent, de suivre leur actualité par plusieurs canaux (par exemple via la presse en ligne, page LinkedIn de l’entreprise) pour comprendre leurs enjeux, cerner leurs besoins, leur culture, ainsi que leurs orientations et priorités stratégiques.
Consulter les profils des membres sur LinkedIn qui y occupent le poste ciblé peut donner ensuite des indications sur la nature de leurs missions qu’ils ont à remplir et des outils, en particulier digitaux, qu’ils utilisent. Le but de la démarche étant de peaufiner son CV en y mettant en avant les éléments de son profil les plus pertinents pour ce poste dans cette entreprise.
En action de suivi, des relances auprès d’un manager opérationnel et/ou d’un(e) chargé(e) de recrutement sur ce type de poste, que l’on peut rechercher en consultant la page LinkedIn de l’entreprise, permet de se faire remarquer.
Retour d’expérience de Catherine : C’est ainsi que j’ai été sollicitée par une recruteuse à qui j’avais envoyé une candidature spontanée plusieurs mois auparavant.
Sortir du marché caché … des candidats
Si identifier les opportunités invisibles de poste peut constituer un défi pour les candidats, il en est de même coté recruteur. Ainsi, dans un article du 25 mars 2025, le webzine stratégies.fr relate le témoignage d’Emmanuelle Ottavi, fondatrice de Soorcing, une filiale de Morgan Phillips spécialisée dans la préqualification des candidats. Cette dernière se dit confrontée à ces candidats qui, bien qu’en recherche, ne publient pas leur CV dans les CVthèques mais envisagent de répondre à une offre qu’ils voient passer.
Se rendre visible en publiant son profil dans les CVthèques pertinentes, donc, mais pas seulement : il est tout aussi important d’avoir un profil à jour sur les réseaux sociaux professionnels (notamment LinkedIn), d’y publier des posts en lien avec son domaine d’expertise, et de partager sur l’actualité du secteur visé, etc…
Approcher le marché visible par l’invisible
C’est la stratégie mixte. La société de vos rêves publie une offre ? Et si vous y connaissiez quelqu’un ? Ou si vous pouviez approcher un de leurs collaborateurs via un contact commun ? Et si c’était dans les pratiques de cette société de coopter ? Ni une, ni deux, c’est l’occasion d’élargir son réseau, et au détour de la conversation, tout en douceur, de sonder si la cooptation est une option. Et hop ! voilà votre CV qui passe au-dessus de la pile et vos chances d’être convoqué sont très fortement augmentées.
On l’aura, ce poste, on l’aura !
Sources :
[1] Enquête IPSOS pour ‘A compétences égales’: Les séniors et l’accès à l’emploi en 2022
[2] Un marché caché au cœur de l’emploi – Stratégies