Ça y est, je retrousse mes manches et je commence.
20 ans que je n’avais pas relevé la tête, toujours entre deux avions, entre deux réunions et puis un jour, la porte.
Ha, je vous entends soupirer. Non, non ce n’est pas ce que vous croyez, on ne m’a pas poussé dehors. Un jour, j’ai enfin levé les yeux de mes dossiers, par la fenêtre le ciel était bleu, j’ai rangé mon bureau, pris mon manteau et je suis sorti. J’allais changer de vie et partir à la recherche d’un nouvel emploi. Ça ne devait pas être bien compliqué…
C’est quand j’ai vu le sourire mi-amusé, mi-incrédule de ma conseillère en recherche d’emploi que j’ai compris que quelque chose clochait.
Je venais de lui décrire mon plan d’action. J’allais acheter le journal, sélectionner les annonces qui m’intéressaient et de ma plus belle écriture accompagner mon CV d’une lettre de motivation (puis prendre mon téléphone pour relancer). Je lui exhibais fièrement mes lignes d’écriture pour lui montrer ma motivation. Face à ce réflexe enfantin, ma conseillère prit, cette fois, un air embarrassé et commença à m’exposer les nouvelles techniques de recherche d’emploi. Elle m’exposa les différentes formes que peuvent prendre les CV, par compétence pour les plus expérimentés, chronologiques pour les plus jeunes et enfin les chrono-fonctionnels pour ceux qui ne souhaitent pas trancher. Elle m’expliqua également l’importance des mots clés pour faire ressortir son profil.
« Il faut savoir se marketer, mettre en avant ses hard skills, soft skills et ses mad skills ! »
Là, c’était à mon tour d’ouvrir des yeux incrédules.
Elle m’expliqua : « Dis plus simplement, ce sont des talents inattendus. Parce qu’aujourd’hui on cherche à recruter des profils qui savent sortir du cadre ». Elle ajouta : « Pas besoin d’être champion de saut à l’élastique, la littérature japonaise ou une expertise en œnologie peuvent aussi séduire ». J’allais enfin pouvoir parler de ma passion pour les plantes carnivores ! A la réflexion, pas sûr.
De retour chez moi, je m’attelais donc à créer mon profil LinkedIn, et carnet d’adresses à la main me connectais à mes anciens collègues, pour certains à contrecœur. Puis, je décidais de faire quelques recherches pour combler mes lacunes et me rendre compte par moi-même en quoi les méthodes de recrutement avaient évolué. C’est là que j’ai « rencontré » mon premier « chatbot », assistant virtuel de recrutement. Il prit bien soin de me rassurer, lui ne prendrait aucune décision (pour l’instant), son objectif : me guider pour préparer mon dossier de candidature… mais 5 minutes plus tard je n’avais toujours pas réussi à lui transmettre ma géo-localisation j’abandonnais.
Retour sur le net. J’apprends pêle-mêle : qu’il faut passer de plus en plus d’entretiens avant d’être embauché ; que devant l’afflux de mails et de candidature « en 1 clic sur Linkedin ! « , on ne prend plus le temps de prévenir les candidats qu’ils n’ont pas été retenus ; que par ailleurs certains jeunes ne pensent plus utile de prévenir s’ils ne se rendent pas à un entretien ; que l’on pouvait être amené à utiliser des « serious games » dans le process de recrutement.
En dix minutes, le recruteur allait enregistrer des milliers de micro-données comportementales pour cerner notre mode de raisonnement, notre capacité à apprendre de nos erreurs, notre sens des priorités, notre degré d’empathie … Quelle efficacité, en 10 minutes seulement ! Assez lu.
Quelques jours plus tard, je recevais mon premier appel pour un entretien, j’allais participer à un escape game, jeu où la coopération, le dialogue, la concentration et la capacité à résoudre des énigmes sont facteurs clefs de succès. Décidément, le monde du recrutement a bien changé.
Le GAD 7